Recycler plutôt que piéger
Même si l’effet « pompe à azote » des cultures intermédiaires n’est plus à démontrer, le terme de « piège à nitrates » n’est peut-être pas le plus approprié… Dans le contexte actuel où l’on cherche à tout prix à s’affranchir de notre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles, ne serait-ce pas un progrès de parler de « recyclage d’azote » ?
On aurait tendance à oublier que l’azote, en plus de son rôle essentiel dans la croissance des cultures, constitue au même titre que le carbone un élément majeur de la matière organique de nos sols également en déclin (1 tonne d’humus contient entre 60 et 70 kg d’azote).
Parler de CIPAN répand également une idée réductrice du pouvoir de recyclage des cultures intermédiaires vis-à-vis de toute une série d’autres éléments comme la potasse, le phosphore, le calcium, le bore, le molybdène, etc. Dans un essai en Mayenne, un couvert de phacélie s’est avéré contenir jusqu’à 200 unités de potasse et 40 unités de phosphore. Le sarrasin quant à lui s’est montré particulièrement efficace pour mobiliser le phosphore du sol et le rendre ainsi disponible pour d’autres cultures.
Constituer un stock maximal de matières organiques
Le rôle essentiel de l’humus dans la structure, ou plutôt dans « l’architecture » d’un sol, incite également à se pencher sur les méthodes à déployer pour minimiser sa dégradation (réduire autant que possible le travail du sol) et accroître les stocks ; dans ce cadre, tenter de maximiser la biomasse des couverts végétaux (jusqu’à une dizaine de tonnes de matière sèche par hectare, tel est le concept du « Biomax ») constitue une pratique complémentaire à celle des amendements organiques pour injecter du carbone dans les sols.
Doper le taux d’humus du sol a également un impact direct sur l’alimentation hydrique des plantes. Bien que la fabrication d’une tonne de matière sèche de couvert nécessite entre 30 et 40 mm d’eau, il ne faut pas perdre de vue la relation exponentielle entre le taux de matière organique et la capacité de rétention en eau du sol.
Alimenter le volant d'auto-fertilité du sol
Recycler autant que possible les éléments minéraux et maximiser la production de biomasse doivent également s’envisager dans le but d’accroître ce que Frédéric Thomas appelle « le volant d’auto-fertilité du sol », en d’autres mots le niveau d’autonomie du sol dans la mise à disposition des éléments nutritifs essentiels pour la croissance des cultures.
Les cinq à dix premières années de pratique de TCS nécessitent généralement davantage d’apports azotés pour reconstituer un stock de matière organique dégradé par la répétition des labours antécédents (un labour équivaut à une relargage immédiat d’azote de l’ordre de 30 unités), mais une fois ce cap franchit, l’injection régulière de matières organiques facilement fermentescibles dans le sol permet des économies d’intrants durables.
Maximiser l'activité biologique du sol
Si la fertilité chimique des sols fait l’objet de toutes les attentions depuis des décennies, on ne peut pas en dire autant des deux autres composants de la fertilité globale des sols, en l’occurrence la fertilité physique et encore moins la fertilité biologique. A propos de celle-ci, on ne connaît que très imparfaitement le rôle essentiel joué par certains micro-organismes du sol dans l’alimentation des cultures.
Les mycorhizes pour ne citer qu’elles, en enrobant les racines de maïs d’un mycélium extrêmement dense, permettent à la plante de pousser beaucoup plus loin la colonisation du sol en lui mettant à disposition le phosphore quasi immobile dans le sol environnant. Les plantes constituant l’unique moyen d’injecter de l’énergie (issue de la photosynthèse) dans le sol, le recours aux couverts végétaux permet de maximiser ces apports pour alimenter l’activité biologique et ce, tout au long de l’année.