Travail du sol simplifié, interculture, été humide… gare aux limaces !

Les systèmes en agriculture de conservation des sols (ACS) sont souvent considérés comme davantage sujets aux attaques de limaces. Et en effet, en implantant des intercultures, en amenant légumineuses et colza dans la rotation, en réduisant le travail du sol, on offre à ces ravageurs le gîte et le couvert !

Limace

Photo : Greenotec

Cependant, si les pratiques de l’ACS favorisent la limace, elles préservent également toute la palette de leurs ennemis naturels. Compter sur la régulation naturelle des ravageurs ne peut toutefois se considérer à court terme, car c’est un processus qui s’installe en plusieurs années… pour aboutir sur un écosystème fragile, sensible à toute perturbation.

Afin d’entamer ou de préserver un cercle vertueux, il est donc essentiel de raisonner au mieux la lutte contre les limaces. Cela doit se faire impérativement par une surveillance des populations (pour chacune des parcelles) et n’intervenir alors chimiquement et/ou mécaniquement que si un risque pour la culture est avéré.

1ère étape : Evaluer les risques pour la parcelle

Suivez ce lien pour évaluer si votre parcelle offre toutes les conditions favorisant une abondance de limaces : ciblage-antimace.fr

Vous serez amenés à encoder : la culture qui est ou sera implantée, une estimation de la pression de limaces l’année dernière, le type de sol, le précédent cultural, le travail du sol en interculture, le développement du couvert, la préparation du lit de semence et enfin la période de semis.

2e étape : Observer les limaces dans la parcelle en conditions humides

Les limaces sont principalement nocturnes, des observations directes en champ risqueraient alors de sous-estimer leur population.

Mais un moyen simple pour évaluer l’abondance de limaces dans une parcelles est l’emploi de pièges de type INRA/Bayer : carré de feutrine (ou équivalent) de 0.5m de côté recouvert sur une face d’une couche étanche (facile à réaliser « maison »). Le piège doit être plongé dans l’eau puis placé et fixé à plat sur un sol humidifié (3 à 5L d’eau) après avoir coupé (pas arraché) toute plante. Il faut placer ainsi 3 ou 4 pièges, espacés de 10-20m les uns des autres (éviter les bordures de champs ou autre zone hétérogène comme les traces de pulvérisateur, tournières etc.), le temps d’une nuit par temps humide (3 jours maximum).

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Source : ciblage-anti-limace.fr (De Sangosse)

Pour chaque observation : comptage en matinée du nombre de limaces sous le carré (sur le sol ou sur le matériel) en discernant les espèces (grise ou noire) et les tailles (jeune ou adulte), ramené au m². Après l’observation, déplacer les pièges à un autre endroit de la parcelle (au moins 20m plus loin).

Plus de détails : par ici

3e étape : Etablir une stratégie d’intervention

Des mesures prophylactiques peuvent s'appliquer en période d'interculture pour réduire les infestations de limaces : travail superficiel du sol, roulage, passage de herse à paille... L'objectif étant de réduire les abris (infractuosités, mottes, résidus) disponibles pour le ravageur. La saison culturale 2023-2024 a été particulièrement propice au développement des limaces. Ces actions sont donc nécessaires avant l'implantation des couverts d'interculture et des semis de colza et céréales d'hiver. Veiller à leur bonne implantation (par exemple, rouler les semis pour améliorer la levée) permettra également de réduire les risques.

Une fois ces mesures mises en oeuvre, la surveillance reste de mise. Selon Bayer, le seuil de nuisibilité en céréale d’hiver est de 5-6 limaces par m². Selon Arvalis, on parle plutôt d’une vingtaine de limaces par m², à remettre en perspective selon les conditions et pratiques de la parcelle. Du côté de De Sangosse, le seuil d’intervention est fixé à 10 limaces / m² en pré-semis et 5 limaces du semis à la levée.

Tentons de compiler ces différents avis, sous forme d’une stratégie d’intervention, couplant l’évaluation des risques théoriques de la parcelle et les observations de terrain :

Niveau de risque / observation

Stratégie

Si niveau de risque élevé ET observation d’un très grand nombre de limaces dans les pièges (> 50 limaces/m²)

Travail du sol nécessaire (déchaumage) avant semis, puis nouvelles observations et traitement 3-4 jours après semis si dépassement du seuil.

OU

Semis direct mais traitements phytosanitaires nécessaires 15 jours avant semis ET au moment du semis.

Si risque moyen et observations supérieures au seuil (prenons la source indépendante : 20 limaces / m²)

Traitement 3-4 jours après semis.

Si risque moyen ou élevé mais peu de limaces (moins de 10 limaces / m²)

Continuer le suivi jusqu’au semis.

Si risque faible

Réaliser une observation au moment du semis.

Traitement 3-4 jours après semis si dépassement du seuil.

 

4e étape : intervention chimique (liste des produits agréés)

Deux molécules existent sur le marché : le métaldéhyde et le phosphate de fer. Le premier entraîne la destruction de plusieurs tissus chez la limace et provoque sa mort rapidement. Le deuxième, agréé en bio car présent naturellement dans l’environnement, bloque le système digestif et provoque une mort plus lente.

Les deux matières actives se distinguent par leur toxicité pour les non-cibles. Le métaldéhyde peut provoquer des intoxications chez des prédateurs ou des animaux domestiques suite à l’ingestion de limaces mortes subitement, alors facilement accessibles, ou des granulés directement (Centre anti-poison.be). Le phosphate ferrique, à action plus lente mais aussi efficace que le métaldéhyde (selon les produits commerciaux), n’est que peu disponible pour les non-cibles car les limaces vont se cacher pour mourir et les exemples d’intoxication sont rares. Il semble néanmoins que ce sont les molécules (agents chélatant comme l’EDTA, non biodégradables) ajoutées dans les produits commerciaux à base de phosphate ferrique, afin d’en augmenter l’efficacité, qui seraient plus toxiques pour les vers de terre que la matière active elle-même.

C’est donc sur base de leur mode d’action et du niveau de risque que le choix doit s’opérer. Dans une optique de préservation des auxiliaires des cultures et de la biodiversité, le phosphate de fer serait alors privilégié dans un contexte de risque modéré au semis, ou en double administration 10-15 jours avant semis puis au semis dans un contexte de risque plus élevé. Le métaldéhyde (concentrations inférieures à 3% à privilégier), quant à lui, serait plus indiqué lorsqu’une rapidité d’action est requise : contexte de risque élevé diagnostiqué tardivement, après le semis (et de préférence avant la levée).

NB :

  • Les traitements post-levée sont peu efficaces, en raison de la concurrence entre les pousses et les granulés dans le choix de la cible par la limace.
  • Les traitements après le stade 3 feuilles, quant à eux, ne seront pas rentabilisés, car la culture présente alors une bonne capacité de compensation aux attaques de limaces.
  • Dans les situations de semis direct sous couvert permanent, les granulés pourraient rentrer en concurrence avec les feuilles de légumineuses encore en place, ce qui diminuerait leur efficacité et/ou leur rapidité d’action.
  • Un sillon mal refermé offre au limaces une autoroute de semences et germes à grignoter !