2.2. Les exploitations étudiées
La première tâche des travaux a été de sélectionner les exploitations qui feraient l’objet d’une analyse approfondie.
En complément d’un critère de localisation (en d’autres mots la sous-région agricole faisant l’objet des investigations), la sélection des exploitations réelles pratiquant du non-labour a également reposé sur un critère d’expérience (introduisant une certaine subjectivité malheureusement incontournable) : les agriculteurs devaient logiquement pouvoir témoigner en connaissance de cause sur les deux systèmes de travail du sol et les itinéraires techniques devaient être éprouvés avec succès tant en labour qu’en non-labour (rendements jugés au moins équivalents). Par contre, comme précisé plus haut, les fermes ne devaient pas obligatoirement pratiquer le non-labour sur la totalité de leur surface ou systématiquement chaque année.
Au total, ce sont 27 exploitations qui ont pu être analysées en Hesbaye liégeoise (code : HB), en Condroz liégeois (CZ), en Thudinie (TH), dans le Tournaisis (TO) et dans le Pays des Collines (PDC), avec des SAU consacrées aux cultures variant de 31 ha à 390 ha (moyenne : 130 ha). Les trois-quarts de ces exploitations développent à la fois une activité d’élevage et de culture, le quart restant ne se consacrant qu’à la polyculture. Les premiers à s’être lancés dans le non-labour se sont décidés en 1989, les derniers en 2005 mais on peut considérer qu’une ferme enquêtée sur deux avait fait ses premiers pas dans la technique avant 2000. Pour un quart des exploitations étudiées, la pratique des cultures intermédiaires s’est avérée une innovation en système non-labour et il a été décidé pour celles-ci (hypothèse de travail) d’en tenir compte comme un surcoût inhérent à la transition.
Sur base du taux actuel de pratique du non-labour et des modifications au niveau du parc matériel, les 27 fermes ont été classées en différentes stratégies de non-labour (voir tableau ci-dessous).
- La stratégie baptisée « non-labour partiel » regroupe neuf exploitations où la pratique du non-labour, opportuniste (sans aucune considération péjorative), varie entre 50 % et 90 % selon les cultures et/ou selon les années en fonction des conditions météorologiques. Aucun matériel n’a été revendu.
- La stratégie « non-labour maximum » (que l’on aurait également pu dénommer « maximum autorisé ») est celle de quatre autres fermes où les cultures ne sont presque plus labourées à l’exception de celles pour lesquelles un labour obligatoire est clairement stipulé dans un contrat (typiquement les cultures de lin et de pomme de terre) ou quand les conditions de semis à l’arrière-saison deviennent vraiment trop médiocres. Aucun matériel n’a été revendu lors de la transition.
- Dans la stratégie « non-labour total (quasi) » suivie par neuf agriculteurs, la question de ressortir la charrue ne se pose plus car elle a été revendue au même titre que divers outils typiquement utilisés en reprise de labour, comme les canadiennes. Très exceptionnellement, un labour peut être réalisé en fin de saison mais en louant la machine d’un voisin ou en confiant le travail à une entreprise agricole.
- Enfin, la dernière stratégie observée dans cinq fermes a été qualifiée de « non-labour rapide » : le labour fait désormais partie du passé, tout le parc matériel adapté au labour a été revendu de même que la herse rotative pour investir en contrepartie dans un semoir rapide (vitesse : 15 - 20 km/h) et un outil polyvalent permettant de travailler le sol sur des profondeurs allant généralement de 5 cm à 25 cm.
Toutes les stratégies exigent des semoirs équipés de disques pour semer dans des résidus végétaux. En ce qui concerne les matériels destinés à corriger les défauts de structure dans les trois premières stratégies, on note une grande diversité parmi les choix des agriculteurs, allant d’outils classiques (type déchaumeur à dents et à disques dont les dents à ailettes sont remplacées par des fines pointes) à des outils spécifiques alliant sur un même châssis une poutre et une fraise rotative, en passant par des décompacteurs mono ou bipoutre. On note également (mais non systématiquement) chez certains adeptes des investissements complémentaire comme des semoirs à la volée ou des déchaumeurs à disques indépendants.