Enquête 2009

Culture du pois de conserverie sans labour : enquête sur les pratiques de TCSistes

Introduction

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En grandes cultures, le pois (Pisum sativum L.) compte certainement parmi les espèces se révélant les plus sensibles aux défauts de structure du sol, particulièrement ceux situés dans les quinze premiers centimètres. Cet horizon est en effet celui où se situe la majorité des nodosités de cette légumineuse contribuant activement à la nutrition azotée de la plante (Sauzet et al., 2002).

La faisabilité de la culture du pois de conserverie sans labour dans les conditions pédoclimatiques wallonnes soulevant  de nombreuses questions de la part d'agriculteurs de l'association Greenotec, il a été décidé de lui consacrer dès 2008 une attention toute particulière par le biais d'expérimentations en champ (les résultats - réservés aux membres - peuvent être consultés en cliquant ici) mais également au travers d'un travail de fin d'études (TFE) d'une étudiante de l'ISIa Huy (Elisabeth Vandenschrick).

Une partie du TFE a consisté en une enquête d'une part auprès d'un agronome de la société Hesbaye Frost à Geer (Province de Liège, Belgique) et d'autre part chez plusieurs producteurs cultivant déjà du pois de conserverie sans labour pour le compte de la société. La synthèse de cette double enquête est présentée dans les paragraphes suivants.

Les résultats de l'enquête menée par Elisabeth Vandenschrick

Auprès du service agronomique d'Hesbaye Frost

Comme plusieurs membres de l'association Greenotec auront pu le deviner, l'agronome interrogé n'est autre que Paul Vandenschrick, papa d'Elisabeth. Celui-ci est responsable de la culture des pois chez Hesbaye Frost et réalise depuis plus de vingt ans des suivis complets et minutieux de parcelles de pois de conserverie de la préparation du lit de semence jusqu'à la récolte en passant par les traitements phytosanitaires. Il est dès lors un témoin privilégié (et rare) des avantages, des inconvénients mais aussi des limites du non-labour. Il était donc intéressant de le consulter afin de recueillir sa propre opinion.

Développement des surfaces
Il est indispensable de rappeler que cette enquête concerne exclusivement la culture du pois frais en non-labour  destiné à être traité et commercialisé par l’entreprise Hesbaye Frost à Geer. D’après les données communiquées, il y aurait environ 7 % des agriculteurs ayant conclu un contrat avec Hesbaye Frost qui seraient en non-labour pour la culture du pois (soit environ 200 ha). D’année en année, ce pourcentage d’agriculteurs aurait cependant tendance à augmenter légèrement. 
Disparité entre régions
Le semis des pois se réalise chaque année de la même façon. Il débute dans les régions hâtives, en implantant des variétés précoces, et se termine dans les régions tardives en implantant des variétés tardives. Le semis des pois débute donc en Région limoneuse, entre Hannut et Jodoigne, et se clôture dans le Condroz, au sud-est d’Andenne (Ohey). On retrouve les agriculteurs TCSistes (càd qui pratiquent les TCSL) principalement en Hesbaye liégeoise et dans le Condroz.

Pourquoi dans ces régions ? On retrouve une part importante de TCSistes en Hesbaye liégeoise pour la simple raison que ce sont des terres très bonnes à cultiver mais également très fragiles vis-à-vis des pluies intenses. Un des avantages du non-labour dans ces régions est de diminuer les problèmes de ruissellement et d'érosion hydrique qui en sont la conséquence. Quant au Condroz, la faisabilité du pois en non-labour est également justifiée étant donné que les semis sont réalisés fin mai ou début juin :

- les débris végétaux, en cas de sécheresse, permettent de maintenir une humidité du sol suffisante ;

- le non-labour est aussi intéressant dans le Condroz car cette technique de travail du sol ne permet pas aux pierres de remonter (si ces dernières étaient présentes, elles engendreraient le refus de la parcelle destinée au pois de conserverie).

Les techniques de travail du sol en non-labour sont pratiquées également dans les autres régions agricoles (début de semis) mais de façon moins importante. Il y a en effet plus de risque de rencontrer les deux problèmes très courants du non-labour, c’est-à-dire, des terres trop humides et un excès de biomasse de la culture intermédiaire au moment du semis. Ceci vient du fait que la couverture hivernale n’a pas eu le temps de se décomposer suffisamment, ce qui provoque des problèmes non négligeables à l'implantation.
Y a-t-il régulièrement un couvert végétal hivernal ? Quel type ? Cause-t-il un problème ? Quelles sont les mesures prises pour y remédier ?
Pour éviter une couverture hivernale excessivement volumineuse au moment du semis, il faut préalablement la détruire avec un herbicide total, type « glyphosate ». La destruction est optimale à partir de six semaines après le traitement. L’agronome constate que ce sont le plus souvent des phacélies, des moutardes ou de l’avoine qui sont utilisées. Il n’y en a pas une qui cause plus de problème qu’une autre si elles sont détruites à temps. Des problèmes ont cependant été rencontrés avec des moutardes trop lignifiées : les débris végétaux ne se cassent pas et sont emportés par le semoir. Grâce aux fortes gelées successives connues au cours de l'hiver 2008-2009, les moutardes en Wallonie n’ont généralement pas résisté, ce qui a été en faveur du semis en 2009 !
Qualité de la préparation du lit de semences par rapport à des terres labourées ?
Mis à part les éventuels problèmes dus à la couverture hivernale, la préparation du lit de semences est similaire qu’elle soit en labour ou en non-labour. Ce qui importe, c’est une profondeur de travail de 15 à 20 cm où la terre est travaillée de façon homogène : on ne peut sentir, en marchant, des zones plus compactes. L'horizon de 0 cm à 15 cm est très important, notamment pour les nodosités (présentes majoritairement à ce niveau), mais les horizons inférieurs également : un sol compacté sous 15 cm ne sera pas favorable au bon développement racinaire !
Le non-labour pour la culture du pois présente t-il plus de problèmes de désherbage qu’en labour ? Y a-t-il une augmentation des ravageurs ? Des maladies ?
En ce qui concerne la pression des adventices, il n’y a pas généralement pas de différence pour la culture du pois entre une terre labourée ou non car tous les traitements sont faits préventivement sur chaque terre :  les parcelles sont donc mises sur un même pied d’égalité. On note cependant parfois des problèmes liés à des repousses de la céréale précédente qui nécessitent dans ce cas précis un traitement spécifique complémentaire.

Il n'y a pas non plus de différence en ce qui concerne les maladies à une exception près : c’est la présence de sclérotes (provenant des plantes atteintes par la sclérotiniose) qui se concentrent à la surface du sol en non-labour et qui peuvent donc contaminer les plantes en périphérie. Cependant, étant présentes en surface, elles sont plus facilement détruites grâce à un traitement phytosanitaire, dans le cas contraire, elles peuvent se conserver jusqu’à huit ans en milieu anaérobie !
En conclusion
Selon Paul Vandenschrick, la culture du pois en non-labour est tout à fait envisageable mais pas dans toutes les régions. Il ne faut pas non plus négliger que le pois est une culture très sensible et donc très exigeante en ce qui concerne la structure du sol, ce qui nécessite davantage d'attention qu'en labour. L’agriculteur doit donc être particulièrement attentif au travail qu’il réalise et y procéder dans les meilleures conditions d'humidité sous peine de compromettre la réussite de la culture du pois qui suit.

Auprès d'agriculteurs cultivant du pois de conserverie sans labour

Vingt agriculteurs pratiquant les TCSL et ayant conclu un contrat avec Hesbaye Frost ont été sélectionnés à partir d'un listing et ont été interrogés sur leurs pratiques. La collecte d'informations a porté essentiellement sur l'itinéraire technique de la culture du pois en non-labour et sur quelques points du non-labour en général.

L'échantillonnage comprend des agriculteurs pratiquant les TCSL depuis 15 ans en moyenne, issus de différentes régions agricoles de Wallonie (Région sablo-limoneuse, Région limoneuse et Condroz), dont les exploitations sont caractérisées dès lors par des conditions pédoclimatiques parfois très variées.

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Quelles ont été les motivations du passage en non-labour ?
Les principales causes du passage en non-labour sont d’après les TCSistes interrogés (par ordre décroissant d'importance) :
  1. Un gain de temps : une diminution du temps de chantier est permise grâce à la diminution du nombre de passages et à un accroissement de la vitesse de ces derniers. Certains agriculteurs avaient perdu de la main d’œuvre ou étaient surchargés par un excès de travail : le non-labour était leur seul recours. Pour d’autres, le gain de temps leur a permis de s’agrandir ou de se diversifier et ainsi tenter d’accroître leurs revenus financiers.
  2. Une amélioration de la structure du sol : amélioration notamment due à la présence de matières organiques et à la faune du sol qui en découle.
  3. Une forte diminution des problèmes d’érosion notamment grâce aux débris végétaux à surface du sol.
Des investissements ont-ils été nécessaires ?
En ce qui concerne les investissements en outils de travail du sol, c’est la Dutzi qui a eu le plus de succès. En effet, cette machine se caractérise par sa polyvalence pour des tracteurs à partir de 100 CV. La Dutzi permet de travailler le sol à 20-25 cm de profondeur et de l’affiner plus superficiellement grâce aux rotors. 

L'alternative rencontrée chez les autres producteurs est le décompacteur plus classique. Ce dernier est destiné à supprimer les tassements dus aux passages de machines, à faciliter l’enracinement, à augmenter l’infiltration de l’eau, à casser la semelle de labour s’il y en a une,… Un faible pourcentage des agriculteurs n’ont pas eu recours à des investissements en outils agricoles lors de leur passage en non-labour, les résultats obtenus grâce aux outils qu’ils possédaient préalablement (chisel, etc.) les ayant satisfaits.
Quel est le pourcentage de la SAU des exploitations en non-labour ?
Les exploitants interrogés cultivent en moyenne 80 % de leur surface agricole utile en non-labour. Certains sont à 100 %, la charrue ne faisant plus partie de leur parc matériel. D’autres sont à 60 %, soit parce qu’ils ne peuvent pas toujours se permettre d’avoir de bonnes conditions de sol pour pratiquer les TCSL, soit parce que, selon eux, toutes les cultures ne peuvent se cultiver en non-labour.
Y a-t-il une nette diminution constatée de consommation d’énergie ?
En ce qui concerne la consommation en carburant, tous les agriculteurs sont d’accord sur le fait que les techniques culturales sans labour permettent une nette diminution d’énergie soit parce que les TCSL demandent des passages plus superficiels et donc plus rapides soit parce que le nombre de passage est réduit (ou les deux).
Comment est géré le salissement des parcelles dû aux adventices ? Et les ravageurs ?
Les agriculteurs ont également été interrogés sur la problématique des adventices et des ravageurs qui serait accrue en travail superficiel. Il ressort de l'enquête que les TCSL, si elles sont pratiquées de manières réfléchie et préventive, ne conduisent pas un accroissement de ces problèmes. Une gestion adéquate des rotations est cependant indispensable pour limiter des développements incontrôlés d'adventices. Si des problèmes dus aux limaces, mulot,… se rencontrent, un produit permettant de les éliminer peut être appliqué préventivement.
Quel est l’itinéraire technique ?

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Chaque agriculteur enquêté a mis au point un itinéraire technique personnalisé et adapté à son contexte pédoclimatique. Cela montre que les possibilités de conduite de la culture du pois en non-labour sont nombreuses. Le choix du type de technique est issu d'un compromis entre divers objectifs : motivation personnelle, goût du risque, volonté d'adaptation du matériel existant ou investissement dans du matériel spécifique, contrainte du sol, etc...

La culture précédant la culture du pois est majoritairement une céréale. Après la moisson, la paille est généralement ramassée. Ensuite la parcelle est déchaumée une première fois à 5 cm de profondeur et une seconde fois entre 10 à 15 cm. Entre les deux, les semences de céréales et d'adventices ont eu le temps de germer (faux-semis) pour être  détruites au second passage du travail du sol. Certains agriculteurs ne déchaument qu'une fois et après le faux semis, pulvérisent la parcelle avec un herbicide total.

S'ensuivent un décompactage à 25-30 cm de profondeur et souvent le semis simultané de l'engrais vert. Les couvertures hivernales qui sont implantées pour la culture du pois sont des moutardes (dans presque 50 % des cas), des phacélies, de l’avoine. Un faible pourcentage n’en met pas.

Après l’hiver, les agriculteurs détruisent leur couverture hivernale et les repousses de céréales avec un herbicide total. Ensuite, avant le semis des pois, l’agriculteur doit ouvrir la terre et la travailler suffisamment de manière à obtenir de la terre fine, homogène jusqu’à un minimum de 15 cm de profondeur. Certains agriculteurs utilisent la Dutzi, d’autres des outils plus traditionnels, comme un vibroculteur ou une herse rotative. Le semis est toujours réalisé par une entreprise agricole externe avec un semoir monograine Herriau.
Type de sol où sont implantés les pois ?
Les agriculteurs interrogés se situaient en Hesbaye liégeoise, namuroise, en Condroz liégeois ou namurois. La texture du sol dans ces différentes régions est donc très diversifiée ! On retrouve des sols limoneux, argilo-limoneux, argilo-calcaire, sablo-limoneux,… Les agriculteurs tentent néanmoins de prévoir pour le pois les meilleurs terres car la culture est sensible à la structure du sol.
Le non-labour a-t-il de l’avenir dans l’exploitation ?
D’après les agriculteurs interrogés, les techniques de travail du sol en non-labour représentent l’avenir de l’agriculture. Si « seule » une moyenne de 80 % de la SAU des agriculteurs est en non-labour, c’est parce que les conditions de sol au moment où l’agriculteur devait travailler sa terre ne permettaient pas de mettre en oeuvre des TCSL ou parce qu’ils veulent encore labourer pour l’implantation de certaines cultures. Mais il faut savoir que dans certaines exploitations, la charrue ne fait plus partie de leur matériel agricole, toutes les parcelles étant à 100 % en non-labour. Dans ce cas, ils attendent toujours les conditions du sol optimales avant de travailler leur terre (tout le monde ne peut se le permettre).
Et le glyphosate ?
Les agriculteurs TCSistes sont conscients que les herbicides totaux sont actuellement un mal nécessaire en TCSL. En effet, ils ont pour rôle de détruire les repousses de la culture précédente, les adventices et la couverture hivernale qui nuiraient au bon développement de la culture. A l’avenir, ils sont conscients que les quantités de produits phytosanitaires pourraient être limitées et que d'autres moyens de lutte seraient dès lors à trouver...


Synthèse rédigée en mai 2009 par Elisabeth Vandenschrick (ISIa Huy) dans le cadre de son stage au sein de l'ASBL Greenotec.


Références bibliographiques :

SAUZET G. et al. (2002) Anticiper l’effet de la structure du sol sur les cultures. Perspectives agricoles n°282, septembre 2002, p. 32-35

VANDENSCHRICK E. (2009) Rapport de stage de fin d'étude réalisé au sein de l'ASBL Greenotec. Huy, B. : ISIa Huy-Gembloux, 23 p.

 


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Publié le: 2009-09-02