"À la reprise de la ferme de mon père, je faisais beaucoup de betteraves sucrières (jusqu’à 75% de mon assolement) dans un système labour conventionnel. Mais au début des années 80, le rendement n’était plus au rendez-vous et des problèmes de nématodes apparaissaient. De plus, de faibles taux en matières organiques (1,2%) m’amenaient des problèmes d’érosion et de semelle de labour. Marc Frankinet m’a alors conseillé de réduire la profondeur de labour à 18cm. Comme j’avais une charge de travail importante et que mes autres outils me permettaient de travailler le sol à cette profondeur, j’ai decidé d’abandonner totalement la charrue. Cela fait donc 30 ans que je ne laboure plus !
N’ayant pas d’élevage, j’ai commencé à apporter de la matière organique extérieure (fientes de poules, compost de déchets verts, boue de station d’épuration). Et mes efforts ont payé ! De 1972 à 2012, mon taux de MO en surface est passé de 1,2% à 3,2% sur plusieurs de mes parcelles. Grâce à cela, mes problèmes d’érosion ont disparu. À mes débuts, l’autoroute en contrebas de mes terres se couvrait souvent de boue après de fortes pluies. Cela ne s’est pas reproduit depuis que je suis en non-labour. Le volume d’eau qui s’infiltre est 18 fois supérieur en semis direct. Je retiens une phrase de Frédérique Thomas à ce sujet : « L’érosion ce n’est pas une fatalité, les principales causes sont le labour, la dilution de la matière organique, la réduction de la masse lombricienne et la compaction ».
J’ai toujours mis des couverts végétaux, même avant l’arrêt du labour, car un sol nu est la cause de nombreux problèmes. A l’origine uniquement composé de moutarde, les couverts ont évolué pour assurer le maintien de la matière organique et le stockage de carbone dans les sols. Cela m'a permis de diminuer ma dépendance aux matières organiques extérieures qui constituent un coût significatif dans un système sans élevage. Il y a un équilibre qui s’est recréé dans le sol, favorisant la régulation des ravageurs.
Je porte une attention particulière au tassement de mon sol. Pour cela, j’adapte la pression des pneumatiques des machines à chaque chantier. Je réfléchis aux endroits où l’on passe à pleine charges pour limiter les compactions au maximum. La notion de compaction n’existe pas dans la nature, c’est donc un élément à prendre en compte si l’on veut éviter des problèmes.
Dans chaque choix de technique, mon but à atteindre était le semis direct. Déjà en 82, je faisais du semis direct de betteraves sous couvert avec un semoir adapté. Cela me permettait de semer plus tôt et d’avoir des betteraves plus belles bénéficiant de plus d’humidité, mais on observait des sillons mal refermés et on faisait moins de rendements qu’avec un léger travail du sol (réchauffement et minéralisation). Les résultats de mes choix ont aussi permis de réduire les heures en tracteurs et l’usure de ces derniers."